Journal Le Chat Sauvage

Atelier 8 : réaliser une interview dans Faverges

Pendant qu’un groupe surplombe les hauteurs de Faverges afin de graver le paysage, Gary se prépare pour réaliser le long entretien qui figurera dans le journal. Il a proposé de mettre à l’honneur L’Alchimie, un brasseur de bière de Faverges qui fait aussi bar-café, où des travailleur·ses de l’ESAT peuvent travailler temporairement via des contrats de mise à disposition.

Rendez-vous est pris avec Victor, l’un des deux dirigeants. Mais pour l’heure, encore à l’ESAT, Gary et Julia préparent sept questions à lui poser, en essayant de varier la focale : on aimerait amener Victor à parler à la fois de son savoir sur la fabrication de la bière artisanale, mais aussi de L’Alchimie et, s’il accepte, de son parcours à lui.

15h ! Il faut y aller. Le stress monte un peu. C’est intimidant. On essaie de discuter d’autre chose pendant le trajet à pied entre l’ESAT et l’Alchimie pour se détendre. On fait quelques exercices de respiration. On arrive, on s’installe au comptoir, Victor nous sert deux sirops. On discute un peu. Puis on allume l’enregistreur. Et c’est parti ! Gary pose la première question….

Voici un extrait de l’entretien, qui a duré une heure :

« Quels sont les ingrédients de base pour faire de la bière ?

Ah, j’ai bien fait de ramener mes petits échantillons pour cet entretien ! [Victor dispose plusieurs contenants en verre devant nous]. Pour fabriquer de la bière, tout le monde pense que le houblon est l’ingrédient principal, alors que c’est un tout petit pourcentage de la fabrication. L’élément principal, c’est l’eau ! Et l’eau qu’on utilise, c’est celle de Faverges. Avant de produire de la bière, on a donc demandé des analyses de cette eau pour savoir s’il fallait l’acidifier par exemple. La seule chose qu’on ajoute, c’est donc du vinaigre d’alcool, pour qu’elle soit un tout petit peu plus acide.

Ensuite, on utilise du malt. Il s’agit de grains de céréales germés puis séchés. Ça peut être du blé, de l’orge, du seigle. Toutes les céréales sont possibles. Au Mexique, on fait de la bière avec du maïs. En Asie, avec du riz. Nous, on utilise principalement de l’orge, sous différentes formes. Ces céréales, c’est ce qui va donner son goût à la bière, et sa couleur. Pour une bière noire, on utilise du blé torréfié comme du café. Ça va donner une couleur foncée, et un petit goût de café car les grains ont été grillés. Pour une bière blonde, on va utiliser des grains comme ceux-ci [il montre]. Ça va donner un petit goût de céréales, de Weetabix, je sais pas si vous voyez… C’est un peu comme les céréales que tu mets dans du lait le matin.

La toute première étape de fabrication de la bière revient donc à mettre ces céréales dans de l’eau chaude pendant une heure. Cela produit du sucre. L’odeur qui se dégage du mélange, c’est une odeur de petit déjeuner ! Ce matin, on a fabriqué 500 litres de bières, et on a utilisé plus de 100 kg de céréales. Le malt, c’est donc vraiment un ingrédient très important.

La deuxième étape, c’est de faire monter la température du mélange, de le faire bouillir, et d’ajouter le houblon. C’est ce qui va donner son amertume et ses arômes à la bière. C’est le moment du brassage. Pour 500 litres de bière, on utilise 500 grammes de houblon. C’est très peu ! Et c’est d’ailleurs l’ingrédient le plus cher de toute la fabrication. Pour nos bières, on utilise uniquement des ingrédients bio, sauf le houblon, qui est trop cher en bio à moins de venir de l’autre bout de la planète, ce qui n’a pas de sens.

Il ressemble à quoi ce fameux houblon ?

C’est une plante. Une plante grimpante. Ses fleurs ressemblent à des cônes qui sont pleins d’arômes. Il y a différentes variétés de houblon. Mais ce qu’on achète nous, c’est du houblon en pellets. C’est-à-dire des petits granulés de houblon séché. Ça nous permet de tout le temps doser les mêmes quantités, au gramme près. Car faire de la bière, c’est comme faire de la pâtisserie, c’est précis.

Dans notre congélateur, on a une quinzaine de houblons différents. À l’odeur, on se rend compte des différences : il y en a qui donnent des notes fruitées, d’autres des notes terreuses…

Quelle est l’étape suivante de la fabrication ?

Ce matin, on a donc fait bouillir notre bière pendant une heure, puis on a refroidi le moût pour le mettre dans les cuves de fermentation. C’est là qu’on ajoute des levures : des petits organismes vivants qui vont manger le sucre qui s’est créé, et transformer ce sucre en gaz et en alcool.

Parfois, dans certaines cuves, le gaz s’échappe : quand la bière a fini de fermenter, elle est plate. Alors on ajoute un petit peu de sucre pour donner à manger aux levures. Qui recréent du gaz dans la bouteille.

Combien de temps dure la fabrication ?

Fabriquer de la bière, comme on l’a fait ce matin, ça ne dure que quelques heures. C’est le temps de fermentation qui est ensuite plus long : une dizaine de jours. Après, ce n’est pas encore fini, il faut faire ce qu’on appelle une garde froide. Il s’agit de faire descendre la température de la bière proche de zéro, pendant huit jours environ, pour clarifier la bière. Notre bière n’est pas filtrée, il y a des particules de houblons, des farines qui passent dans la cuve ; le fait de la maintenir au froid entraîne toutes les particules en suspension dans le fond de la cuve. Les cuves sont en forme de cônes. Quand on les nettoie, au fond, on trouve les levures qui n’agissent plus, les particules en suspension, bref tout ce qu’on ne mettra pas en bouteilles.

Donc en gros, la bière qu’on a fabriquée ce matin, elle sera prête dans environ un mois. Et encore, elle ne sera peut-être pas tout à fait optimale. On pourrait la laisser un petit peu plus longtemps… »

La suite à découvrir dans le journal papier !